Un foulard de soie qui glisse sur la peau en crissant, des bulles de champagne et éclats de rire de pompettes, une poudre libre et houppette blanche, des escarpins à pompons et surtout la sensation presque électrique d'une main gantée se faufilant sous la robe taffetas en imprimé à petites fleurs qui discrètement remonte un bas de soie glissant.
C'est Fleurs de rocaille, avec un S, un bouquet fleuri joliment désuet qui s'ouvre sur une volée d'aldéhydes
pétillants et relativement discrets. Et c'est avant tout ce cœur
splendide, tout en élégance et sans faux-pli, mêlant le duo classique
rose violette rafraichi ici par les notes vertes d'un lilas éthéré et
probablement un muguet timide, à l'ylang et au jasmin et surtout un
œillet crémeux à souhait tout aussi typique de l'époque, le tout se
fondant admirablement pour donner une impression de densité aérienne
d'une absolue délicatesse.
Ce bouquet magistral est solidement ancré sur
un fond poudré ambré sec d'iris, de santal pour une touche boisée, et de
musc légèrement animal et savonneux. On décèle la fameuse caronnade à
ses accents ambrés miel et musc. J'y sens également une trace de
narcisse et sa pointe foin qui assèche la composition. Jusqu'au bout,
grâce et bonne tenue, élégance et légèreté sont de mise. Lumineux, un peu pastel, printanier ensoleillé, toujours léger ces Fleurs de rocaille nous emportent et c'est grisant.
En
1934, Ernest Daltroff, le grand manitou des parfums Caron avec sa
complice Félicie Wanpouille avait déjà bon nombre de chefs d’œuvres au catalogue. Caron
était alors une grande maison, accumulant les succès, dans le désordre:
Narcisse noir, Nuit de Noël, Tabac blond, Bellodgia avaient déjà vu le
jour. Fleurs de rocaille était promis au même destin: entrer dans
l'histoire et devenir un mythe.
Romantique
et cristallin, plus jeune fille que grande dame il vibre joyeusement et
irradie de jeunesse et d'insouciance parmi les ainés aldéhydés floraux
plus matures et habillés, le N°5 de Chanel en tête.
Un de mes Caron préférés, accusant sans doute un peu son age dans la manière et les matières utilisées, mais d'une maestria confondante. La version actuelle que je n'ai pas re-senti est forcément bien éloignée de l'extrait vintage que j'ai pu tester récemment, l'eau de toilette perd en naturel et gagne en savon même si la magie demeure. Mais vraiment c'est en extrait qu'il faut sentir cette petite merveille.
Il a brièvement disparu pour être ré-édité en 2006 avant d'être définitivement abimé aux dires de celles qui ont eut la chance et l'audace de le porter.
Photo: Audrey Hepburn photographiée par Howell Conant.
Photo: Audrey Hepburn photographiée par Howell Conant.