Le parfum le plus lumineux, irradiant que je connaisse est de retour, un mythe pour les férus de parfums solaires, traversés par l'été et le sable chaud. Disparu depuis sa dernière édition sous la houlette magique de Jean Kerléo en 1984, le mythe renaît donc de ses cendres mordorées et est à nouveau disponible dans une nouvelle collection créée pour l'occasion. La Collection Héritage regroupe pour l'instant trois fleurons de la marque : L'eau de Patou, Patou pour Homme et Chaldée.
A la tête de l'orchestre moléculaire : Thomas fontaine, sur une partition d'Henry Alméras de 1927.
A la tête de l'orchestre moléculaire : Thomas fontaine, sur une partition d'Henry Alméras de 1927.
L'histoire de Chaldée est celle d'un fantasme, celui d'une lointaine contrée au bord de la mer rouge abritant les cités de Babylone en plein désert frappé par le soleil et le vent, qui rencontre l'effervescence art déco, les architectures d'André Marre et les années folles, le jazz et la fête à plein temps.
Ce fut d'abord une huile sur un accord floral épicé avant de devenir un parfum. Patou le visionnaire imaginait les corps de femmes libérées et Henry Alméras le nez de la maison, leur offrait l'huile solaire. C'était avant, avant que le monoï et les senteurs synthétiques l'Oréal n'envahissent et ne polluent les plages. Quand on venait d'inventer le maillot de bain et le bronzage après des siècles de teint blafard et laiteux.
L'huile de Chaldée était une mixture épaisse et rouge, qui ne protégeait rien évidemment mais sentait divinement bon. Le salicylate de benzyle à l'odeur de fleurs chauffées au soleil, d'abord utilisé comme filtre sentait tellement bon en effet, qu'il entra rapidement dans la composition des parfums. Ainsi naquit Chaldée.
Dense et intense, tassé par le temps, ramassé et cuit au soleil, il illumine son porteur en lui offrant grâce et volupté. Jacinthe, fleur d'oranger, œillet sur les bords et jasmin sur fond d'ambre musqué, cosmétique, mais sans gras, plutôt du côté baume charnel et fondant que de la vanille attrape mouche. La jolie verdeur du départ laisse place à un fleuri enivrant, une petite touche d'indole chatouille et titille la narine agréablement, nous rappelant que la peau nue et exposée au soleil dégage une odeur fleurie, épicée, douce et salée. On reconnait au fond cette sorte de Patounade, ce satiné si précieux qui transporte sur les plages des années 30, une poudre sèche comme un sable fin qui colle à l'épiderme.
Le nouveau Chaldée 2013 est plus frais forcément, rafraîchi, lumineux toujours et aérien comme au premier jour. Un miracle vous dis-je.
D'accord, cette ré-édition n'a pas la note de fond animale d'arrière du genou qui colle, un mélange de vieux savon et de macérat musqué et ce n'est pas plus mal, l'érotisme vieille peau pouvant rebuter au 21ème siècle.
Et oui, il y a peut-être aussi une note un peu "bac à glace" en tête qui surprend , mais trêve de chipotage ! Thomas Fontaine a fait un travail formidable avec les matières a sa disposition et les normes actuelles.
Et c'est un bonheur de voir des marques comme Patou reprendre du poil de la bête et avoir l'intelligence de ne pas sortir un shampoing quand elle dispose d'un catalogue aussi prestigieux et mythique. Alors on ne boude pas son plaisir, on ne fait pas la moue, on sourit et on sent bon le sable chaud, Deauville en 36 et les promenades au bord de l'eau.
L'été indien lui sied bien et l'automne lui va comme un gant, car toujours il rayonne et irradie, enivre comme une journée passée à rêvasser sur la plage, grisé de liberté, celle des vacances seulement troublées par des éclats de rire.
Photos : La première est volée à Ambre Gris, par pure jalousie pour son foulard je l'avoue. Sinon, j'ai le même flacon. Et la deuxième, la Collection Héritage.