dimanche 12 août 2012

7ème Sens, Sonia Rykiel.







Il y a des terrains sur lesquels il est dangereux de s'aventurer de nos jours: le powerhouse années 80 est de ceux-là. Surtout quand c'est Sonia Rykiel aux commandes, celle qui inventait alors la "démode", les coutures apparentes et les premiers pulls à imprimés lettres.
En 1979, elle sort son premier parfum, réalisé par Françoise Caron : 7ème sens, "un parfum mystérieux, sombre et sensuel pour une femme moderne et aventureuse".  Tout un programme.

La pyramide est typique de l'époque c'est-à-dire chargée:
Tête:aldéhydes, bergamote, ylang-ylang, rose, oeillet,  jasmin et narcisse.  Cœur:  miel, prune et  pêche.  
Base: ambre, patchouli, mousse de chêne, coriandre,  santal, vétiver, civette, musc et castoréum.

Soit un nuage de laque en bombe pour commencer, la modération n'étant pas de mise. Suivi par un bouquet dense, épicé, opulent où  se mêlent des fruits murs et juteux, la pêche et la prune du Femme de Rochas ne sont pas loin. Un effet poudré sec du à la frambinone et la mousse de chêne qui entre en scène et rappelle si besoin était que nous sommes en plein chypré fruité, version années 80 c'est-à-dire démesuré. Jusque là tout va bien, la diva hollywoodienne est sous les spotlights.

C'est un parfum de "working girl" qui présente bien, très bien ses plus beaux atours:  épaulettes pour la carrure, robe et lèvres rouge sang, voix  grave et feulante, de l'assurance, de l’aplomb et une vue plongeante sur un entre-sein frémissant. "Fermez la bouche jeune homme!"
Et quand on lève enfin la tête du décolleté pigeonnant, c'est seulement pour découvrir ébahi, un brushing nucléaire, façon Joan collins dans Dynastie.

Soit donc un floral monstrueux, solidement ancré sur son ossature chyprée fruitée qui vire, souvent femme varie,  au fond animal qui disons-le tout net sent carrément le cul par moments: civette et castoreum, il fallait oser. Ou comment découvrir que les sous-vêtements que laissait deviner la robe sang ne sont plus tout à fait propres et que si le bas de la robe est froissé, ce n'est pas pour rien.
Le fond de 7ème Sens, qui fait tout son prix, vire donc quasiment au cuir séchant au soleil, salement animal, poudré sec avec une mousse de chêne indécente et finalement sacrément osée!

Pas vraiment un parfum de jeune fille ou d'américaine hygiéniste, plutôt un parfum de latine à fort débit pour la caricature. Le genre qu'on entend, qu'on sent et qu'on voit arriver de loin, et qui laisse un sillage à décoiffer le chaland. Il démarre claironnant en fanfare et finit sombre bestial. 
Puissance et animalité, la femme Rykiel des années 80 est plus proche de la panthère sauvage qui assume, age et compte en banque, que des jeunistes abonnées aux tutti frutti régressifs et botoxés qui suivront. 
Porté maintenant, difficile d'éviter le cliché couguar mais  7ème Sens fait finalement un masculin intéressant, un rien bling bling saoudien toutefois.
Un parfum qui a du chien. J'adore!

Inutile de préciser que 7ème sens n'existe plus depuis longtemps, et les rares flacons qui apparaissent sur les sites d'enchères atteignent des sommets.
Photo: Joan Collins.