La maison Lubin établie en 1798 comme mentionné sur l'emballage est l'une des plus anciennes maisons de parfum, qui parfuma les empereurs et les rois avant de consentir à embaumer des décolletés plus populaires. Elle fut sauvée des limbes il y a quelques années en ranimant de vieilles gloires aux portes de l'oubli : Nuit de Longchamp est un monument remis au gout du jour avec éclat en 2008, même si évidemment j'ai un faible pour les versions vintage que j'ai eu le chance de porter, la fraicheur de la tête actuelle est un bonheur. D'autres coups d'éclats suivirent : L, L'Eau neuve et Idole autant de noms qui ont fait sa renommée au siècle précédent et perpétuent en beauté la tradition.
Mais pour une maison au passé vénérable telle que Lubin, le défi n'est pas vraiment dans l'histoire, il se situe plutôt du côté de l'avenir. Comment aborder le futur, évoluer et étoffer un catalogue déjà prestigieux sans perdre son âme ?
Lubin y répond cette fois en sortant trois nouveautés d'un coup et en explorant d'autres voies, celles de l'histoire légendaire et des civilisations anciennes avec cette nouvelle collection "Talismania" qui rejoint les lignes classiques.
Nous voyageons donc en Mésopotamie avec Akaad, un bel ambre fin et racé, jamais lourd ou écœurant, sec comme le désert, véritable onguent mystique dédié à Ishtar déesse de l'amour et de la guerre. La tête est souriante et lumineuse grâce à la mandarine, les notes de cœur sont particulièrement réussies, l'élémi résineux et l'encens assainissent la base ronde et chaude d'ambre embrasant la peau divinement. Un ambre solaire dirait-on.
Puis c'est vers le Moyen âge que nous voguons avec Galaad. J'ai beaucoup de mal je l'avoue à faire le lien entre la potion épicée assez flottante, et l'imaginaire de quête du Graal et des croisades qui l'a inspiré. J'aurais rêvé d'une myrrhe plus présente et puissante, suintante comme un miel des caravanes ramenant leurs trésors vers les Temples. Ces deux premiers opus, composés par Delphine Thierry augurent pourtant bien et n'ont pas à rougir face aux gloires classiques qui trônent encore à leurs côtés.
Le dernier, Korrigan est une surprise, un parfum que je qualifierai de gourmand masculin, et un travail très intéressant de Thomas Fontaine (occupé par ailleurs chez Patou à ressusciter d'autres gloires passées) autour du praliné, de la noisette et des bois.
Les korrigans, que je connais bien, ayant arpenté les landes bretonnes dans ma jeunesse, ont toujours été farceurs et s'ils sortent la nuit cueillir des baies de genièvre et des avelines sauvages (une sorte de ... noisette, on y vient), à sentir ce Lubin, qui rime avec lutin, on les imagine sans mal récoltant dans les arbres magiques celtes des pots de Nutella fondant. Peut-être le whisky bien tourbé distillé en douce par ces facétieux lutins m'est-il monté à la tête mais pourtant c'est net je sens la pâte de noisette et la crème de whisky : l'ambrette aux facettes musquées et fruit à coque n'y est pas étrangère sans doute, et l'inflexion crémeuse de la lavande non plus. Le fond est à peine plus sec, le fondant lactonique saupoudré de pyrazines (à l'odeur de noisette grillée) laissant la place à des bois et du cuir. Ce fond est un peu plus convenu, on n'échappe pas au "bois qui pique" de style karanal, et j'aurais aimé rester dans un pub à siroter de la Coreff stout, foi de breton. Nous aurions pu causer du oud mentionné dans la pyramide, ça
n'existe pas ça chez les irréductible gaulois : ils aiment la mousse de
chêne gastou !
Mais je conçoit l'idée que la mousse tant aimée c'est du passé, et que la mode est à l'oud tout en priant pour que ce ne soit pas ce qui nous attend désormais.
Mais je conçoit l'idée que la mousse tant aimée c'est du passé, et que la mode est à l'oud tout en priant pour que ce ne soit pas ce qui nous attend désormais.
Quoi qu'il en soit, Gilles Thévenin, propriétaire de la marque, ose et parie sur l'avenir après avoir exploré le passé prestigieux de la maison. Le virage amorcé depuis Black Jade est habilement négocié, là où d'autres se sont quasi suicidés en sortant de pseudo modernités bâclées à la chaine (oui, c'est à Robert Piguet que je pense).
Et pour ne rien gâcher, les flacons sont superbes, de très beaux objets mi art déco mi art premier. C'est Serge Manssau qui les a dessinés en s'inspirant du premier flacon d'Idole, une ligne épurée et courbe rappelant un totem ou les statues de l'île de Pâques, coiffé d'un bouchon qui semble fait d'ambre (la concrétion résineuse pas la matière de parfumerie cette fois-ci !). Couchez donc le flacon et vous découvrirez également la ligne raffinée des bolides Bugatti "Atlantis" des années 30.
Parisiens, rendez donc visite à Antonio chez Maria-Antoinette, place du Marché Sainte Catherine pour les découvrir, vous y serez royalement reçu!
(Disponibles également chez jovoy ou carrément à la jolie boutique Lubin rue des Canettes dans le 6ème)
Photo: Françoise Rosay immortalisée par Clarence Sinclair Bull, flacon d'Akkad.
Parisiens, rendez donc visite à Antonio chez Maria-Antoinette, place du Marché Sainte Catherine pour les découvrir, vous y serez royalement reçu!
(Disponibles également chez jovoy ou carrément à la jolie boutique Lubin rue des Canettes dans le 6ème)
Photo: Françoise Rosay immortalisée par Clarence Sinclair Bull, flacon d'Akkad.
Bravo pour ce bel article !
RépondreSupprimerOn voudrait en effet plus de maisons comme Lubin : respect et valorisation intelligente du patrimoine, créations contemporaines au minimum intéressantes... on sent qu'il y a du coeur, et c'est bon.
Merci Géraldine! Si touts les maisons pouvaient effectivement se préoccuper de créer avec la cœur et avec passion comme Lubin plutôt que d'imaginer ce qui pourrait plaire et sortir des copycats, nous serions... et bien ruinés mais heureux.
SupprimerBonne idée de mettre l'emphase sur ces belles créations. Je portais Idole hier et je l'ai trouvé d'une grande séduction. Je ne connais pas les formulations d'origine de la Maison, donc je ne peux comparer, mais il me semble qu'il y a une volonté de faire des fragrances qualitatives. Dans la série récente Akaad est très réussi. Comme vous le soulignez un ambre sec, dépourvu de cette mièvrerie qui en gâche plusieurs, hélas. Galaad et Korrican attendent d'être testés, ce qui ne saurait tarder.
RépondreSupprimerPour le nom de Galaad, en effet la Queste du Graal laisse supposer un Proche-Orient mythique. Si on avait voulu rester dans un univers proprement arthurien, les épices pouvant référer aux vins aromatisés de l'époque et à l'odeur des landes et des forêts, il ne manquait pas de noms possible. En éliminant ceux qui s'approchent de près ou de loin au Graal, on pourrait penser: à Galehot, meilleur ami de Lancelot; Sagremor, Gauvain; Agravain, Mordret (mais là il faut faire sombre et tourmenté), Yvain, etc..
Hermeline, il semblerai que Galaad fasse référence au pays de Galaad plutôt qu'à la queste et l'univers arthurien, et également au baume de gilead, je me suis un peu fourvoyé en fait. L'ensemble est donc cohérent avec le parfum et peut-être vaut-il mieux le découvrir avec cela en tête.
SupprimerLe documentaire qui a été diffusé par arte récemment, dans lequel on voyait justement le processus de création d'akaad m'a donné fortement envie de le sentir! Il semblait y être beaucoup question de matières naturelles et, c'est peut-être naïf de ma part mais je me demande s'il s'agit des "vraies de vraies" ou de copies de synthèses?!
RépondreSupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
SupprimerCaroline, je pense que l'on peut se fier à gilles Thevenin et Thomas Fontaine quoi sont deux passionnés. Il y a par exemple pas mal de myrrhe dans Galaad. Mais bien sûr, ces matières naturelles sont entourées de synthèses, c'est ce qui fait tenir le parfum debout.
SupprimerJ'apprécie tes écris, découvert en lisant des articles sur l'oud.
RépondreSupprimerChez Lubin, j'aime beaucoup Idole, que des souvenirs brumeux me le font rapprocher de Fuel Donna Karan. Seulement, aucun moyen de pifer le Fuel volatilisé.
Des nouveautés dont tu parles, Korrigan bien qu'ayant un air proche de la crème de whisky caramélisée ( ? ) ... Lors d'une froide journée, je m'en suis quand même vaporisé un échantillon. Il en était parfait, enveloppant et doux alors que j'avais peur d'un hypothétique écœurement.
Merci! Korrigan réussi la prouesse de nous faire avaler son whisky et sa crème sans craindre l'overdose effectivement. D'ailleurs je vais le ressortir illico!
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