C’est très curieux ces parfums qu’on a détesté et qui
basculent de l’autre côté du miroir et nous bouleversent soudain. Pour moi, Une
fleur de cassie est de ceux-là. Longtemps je l’ai trouvé trop puissant, trop
compact. Ses muscs me vrillaient le nez à la manière d’une poudre à récurer
avec ces notes caractéristiques de pédiluve chloré. Y’avait de la piscine dans
la cassie.
Et puis, à la faveur d’une reformulation drastique du côté
de chez Malle où l’on rogne sur les couts, on dilue à tour de bras, voilà
qu’elle devient acceptable cette fleur, même incroyablement portable.
Des éclats jaunes fleuris qui s’envolent, un ambre blanc
soulevant le tapis vert poudreux complexe de la cassie merveilleusement
travaillée qui colle au corps, à la chair. Dépouillé des afféteries miellées
anisées amande du mimosa poupoule, point
de vanillade, d’amandine, de collant du gâteau. De la tenue, une
rigueur, des voiles légers, de l’abstrait, un tableau élégant d’un romantisme
fou. Énigmatique, un parfum libre, jazz.
Et dire que j’aurai pu passer à côté.
C’est l’automne, les forêts sont cubistes, la ville
s’emmitoufle et je déambule sur mon tapis roulant de cassie avec bonheur.
Photos : Accacia Farnesiana et Nina Simone.
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