mercredi 3 juillet 2013

Tom Ford, Sahara noir.





Le duty free a du bon parfois, quand errant désœuvré en attendant le départ on teste pour tuer le temps. Et me voilà au rayon Tom Ford parfums, noir et or comme il se doit, dégainant la mouillette devant le dernier opus. Et c'est encore une bonne surprise, après le Noir pour homme l'année dernière, Violet blonde l'année d'avant, voici Sahara noir. 
Un parfum sale comme j'aime. Sale et poussiéreux, buriné par le vent brulant du désert, une oasis au milieu des odeurs de lessives fruitées et des insipides jus lavasses. 

Comme toujours chez Ford, nous sommes à un battement de cil du vulgaire, le flacon doré de quasi mauvais gout, le noir du nom idem (soupirs de lassitude), et un jus monumental qui vous remplit un avion en moins de deux. Mais contre toute attente, ça marche. Parce que parfois à force d'en faire trop on atteint une espèce de détachement bouddhique qui nous pare d'une aura de douce sérénité. Et c'est d'ailleurs cette ambiance contemplative qui me séduit ici, comme ralenti par la chaleur du désert, bercé par une fumée d'encens sur fond de baumes et d'ambre, évitant de justesse le collant d'une mélasse au pruneau et le sirupeux d'une confiture de pin mais jouant finement sur la sécheresse tout du long. Un parfum qui a une histoire à raconter, qui me parle. 

Une bouffée d'encens et de résines s'échappe du flacon, et nous voilà écrasés par la chaleur dans un souffle sec d'Iso E super qui soulève le tout. Je vois défiler les cyprès de bord de routes toscanes, les mythiques ziggourat noircies de fumées qui s'échappent de braséros décorés, une vague verte de calamus passe rapidement, de la cannelle en bâtons qu'on jette sur le brasier, un léger fumet animal de cire d'abeille et surtout ce fond qui embaume le tout de benjoin, de ciste labdanum aux accents cuirés et d'une lichouille de vanille plutôt gousse que vahinée. Pas exactement dans la finesse, plutôt du style bazooka olfactif avec une diffusion terrible, mais... je trouve ça incroyablement sexy. 

Comme dans un roman de gare on nage dans le chic trash: madame n'a pas froid aux yeux, adopte un poilu de type viking australien et le ballade en touareg dans le désert marocain. Elle prend des poses de déesse méditante, fait mine de lire du Jane Austen mais ne pense qu'à la robe Léonard qu'elle vient d'acquérir.
Souvent chez Ford, le genre est suffisamment flexible pour qu'on puisse sans rougir passer au rayon d'en face et je me ferai un plaisir d'aller brûler en enfer saharien cet été. 


Photo: La tour de Babel, Brüegel. 


2 commentaires:

  1. Bonjour Anatole,
    vous m'avez encore une fois guidé dans mes recherches et ce Sahara Noir, après mes retrouvailles avec Mitsouko, se révèle surprenant!
    J'ai même craqué aussi pour un autre Tom Ford: Plum Japonais, ce qui est incroyable pour moi qui n'avais testé aucune composition de cette marque...
    J'approuve votre analyse de quelque chose à la limite du vulgaire mais superbement "sale", très "sexy"; je n'ai pu m'empêcher de voir en Sahara Noir cette limite ténue qui me fait l'adorer alors que je ne peux supporter Encre Noire. Pas de Vetiver ici, bien sûr, mais un excès qui fonce et triomphe!
    Pour ce Plum Japonais, on pense à un mix entre Fille en Aiguilles, Féminité du Bois et Ambre Sultan mais cette prune n'est pas confite et quelle diffusion charmeuse!
    Merci encore.

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    1. Bonjour Bernard,

      Ravi de vous avoir servi d'ouvreur pour ce parfum que j'aime décidément beaucoup aussi. Je l'ai comparé justement hier à d'autres de la gamme Private blend, et il y a des choses excellentes chez Tom Ford finalement!. J'ai trop longtemps boudé la marque, injustement sans doute. Cela ne saurai durer.

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